Prise d’acte d’un salarié : addition plus salée si le salarié gagne un statut protecteur en cours de route
Modifier le contrat de travail d’un salarié sans son accord peut justifier une prise d’acte du contrat de travail à vos torts. Et si le salarié devient protégé après cette modification et prend ensuite acte de la rupture du contrat de travail cela produira carrément les effets d’un licenciement nul. Illustration avec le cas d’une salariée affectée à un autre poste.
Prise d’acte de la rupture du contrat de travail : des conséquences différentes si le salarié est protégé
La prise d’acte peut intervenir lorsque le salarié décide de rompre son contrat de travail et estime, à tort ou à raison, que l’employeur en est responsable car il a commis des manquements. Pour autant il ne souhaite pas démissionner, car s’il le faisait, il perdrait son emploi sans toucher d’indemnités, et sans bénéficier d’allocations chômage, alors qu’il estime que tout est de la faute de l’employeur.
Ici, le salarié ayant des reproches à faire à son employeur, va entamer une action pour faire valider la prise d’acte en justice.
Les juges ont deux possibilités :
- reconnaître que l’employeur a commis des manquements suffisamment graves justifiant la prise d’acte : cela produira alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (le salarié recevra les indemnités de licenciement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de préavis et de congés payés) ;
- ou estimer que la prise d’acte n’est pas justifiée. Dans ce cas cela produira les effets d’une démission (le salarié n’aura pas d’indemnité sauf celle de congés payés ni même de droit à l’assurance chômage).
Mais pour les salariés protégés la conséquence est encore plus lourde si la prise d’acte est justifiée. En effet le licenciement sera alors nul ce qui ouvre notamment droit à une indemnité forfaitaire spécifique au titre de la violation du statut protecteur égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection (dans la limite de 30 mois pour un élu).
Mais si le statut protecteur est acquis après les faits justifiant la prise d’acte, qu’en est-il ? La Cour de cassation a répondu dans une affaire récente.
Le statut protecteur s’apprécie au jour de la prise d’acte
En l’espèce une salariée s’était vu imposer une modification de son contrat de travail justifiant une prise d’acte. La modification (une nouvelle affectation sans son accord) était intervenue avant que la salariée soit désignée représentante de section syndicale. Mais au jour où la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, elle avait été désignée et était donc protégée.
La Cour de cassation en déduit que la prise d’acte devait s’analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur.
Seul compte le statut du salarié au jour de la prise d’acte de rupture, à savoir si ce dernier se trouve être titulaire d’un mandat ou non…
Cour de cassation, chambre sociale, 17 janvier 2024, n° 22-16.095 (à la date de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail la salariée bénéficiait d’un statut protecteur ; dès lors elle devait s’analyser en un licenciement nul pour violation du statut protecteur, en dépit de la circonstance que la modification du contrat de travail avait été mise en oeuvre avant que la salariée soit désignée en qualité de représentante de section syndicale)