Un syndicat peut-il agir en justice en cas de harcèlement moral d’un représentant du personnel ?
Un syndicat est-il recevable à agir en défense de l’intérêt collectif de la profession lorsqu’un représentant du personnel invoque des faits de harcèlement moral ? La Cour de cassation a répondu par l’affirmative, en posant toutefois une condition.
Intérêt collectif de la profession : une notion encadrée par les juges
Tout syndicat professionnel peut agir en justice en défense de l’intérêt collectif de la profession qu’il représente (Code du travail, art. L. 2132-3). Les faits doivent porter un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession.
Important : l’intérêt collectif de la profession doit être distingué de l’intérêt général mais aussi de l’intérêt individuel des salariés. Cette dernière notion recouvre les situations qui opposent uniquement le salarié et son employeur, sans qu’un préjudice collectif ne soit par ailleurs rapporté.
La notion d’intérêt collectif reste toutefois assez large, et la frontière avec l’intérêt individuel du salarié est parfois mince. C’est pourquoi les juges sont régulièrement amenés à censurer ou, au contraire, à valider le bien fondé des actions en justice fondées sur ce motif.
Illustration récente avec un arrêt rendu cet été par la Cour de cassation à propos d’une situation de harcèlement moral invoquée par un salarié, par ailleurs représentant du personnel.
Action en défense de l’intérêt collectif : justifiée lorsque le harcèlement moral est en lien avec le mandat
En l’espèce, un salarié invoque devant le conseil de prud’hommes une situation de harcèlement moral, dont il dénonçait l’aggravation suite à sa désignation en tant que représentant du personnel.
Un syndicat était alors intervenu volontairement à l’instance, demandant la condamnation de l’employeur au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.
La cour d’appel fait droit à sa demande. L’employeur forme alors un pourvoi en cassation, estimant qu’une situation de harcèlement moral envers un salarié ne porte pas atteinte à l’intérêt collectif de la profession, condition nécessaire pour qu’un syndicat professionnel puisse agir en justice.
La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi. Elle affirme qu’un syndicat est recevable à agir en justice lorsque les éléments invoqués par un représentant du personnel et laissant supposer un harcèlement moral sont en lien avec l’exercice de ses fonctions syndicales ou représentatives.
Pour que l’action en justice du syndicat soit justifiée, il est donc nécessaire que les faits de harcèlement moral invoqués par le salarié laissent supposer un lien avec son mandat.
En l’espèce, le salarié invoquait au soutien de sa demande l’aggravation de sa mise en retrait à compter de son élection au CHSCT, son exclusion de certaines missions, et produisait un courrier d’alerte du syndicat dénonçant sa « placardisation » et un rapport d’enquête du CHSCT stigmatisant la mise à l’écart de représentants du personnel. Ces éléments étant en lien avec le mandat du salarié, l’action en justice du syndicat en défense de l’intérêt collectif de la profession était donc recevable.
Cour de cassation, chambre sociale, 10 juillet 2024, n° 22-22.803 (un syndicat est recevable à agir en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession lorsque les éléments invoqués par un représentant du personnel laissent supposer un harcèlement moral en lien avec l’exercice de son mandat)