BDESE online

Depuis la réforme des ordonnances Macron de 2017, les anciennes instances représentatives du personnel (IRP) ont laissé place aux comités sociaux et économiques (CSE), devenu l’organe unique de représentation dans les entreprises de 11 salariés et plus. Une enquête de la DARES dresse un premier état des lieux de cette transformation.

Une représentation du personnel en recul, malgré un cadre rénové

Malgré les ambitions de simplification, la réforme semble avoir creusé un écart entre élus et salariés.

Entre 2017 et 2023, la part d’établissements couverts par au moins une instance représentative élue passe de 64 % à 61 %. La baisse est particulièrement marquée dans les établissements de 50 à 99 salariés (–7 points), ainsi que dans certains secteurs de services comme l’hébergement-restauration ou l’information-communication.

Cette érosion tient à plusieurs facteurs : l’organisation des élections s’avère souvent difficile, faute de candidats (dans plus de la moitié des cas). La complexité croissante des mandats et la disparition du CHSCT ont également pu décourager les vocations. Pensée comme un outil de simplification, la nouvelle instance a parfois complexifié les choses au point d’épuiser l’élan militant.

Une centralisation accrue dans les entreprises multisites

Dans les entreprises disposant de plusieurs établissements, la couverture par une IRP élue reste stable à 80 %. Mais la nature de cette couverture a radicalement changé : seuls 34 % des établissements disposent d’une instance propre (contre 58 % en 2017), tandis que la représentation au niveau de l’entreprise bondit de 22 % à 46 %.

Autrement dit, les IRP sont de moins en moins ancrées localement. Ce glissement s’explique notamment par les nouvelles règles de définition des « établissements distincts » introduites en 2018, qui ont permis aux directions d’imposer des périmètres plus larges, parfois sans concertation.

Résultat : une représentation à distance, parfois déconnectée du terrain, là où les anciennes IRP jouaient un rôle de vigie locale.

Les représentants de proximité : un levier peu mobilisé

Pour compenser cet éloignement, les ordonnances de 2017 ont introduit la possibilité de désigner des représentants de proximité. Pourtant, seuls 22 % des établissements multisites couverts par un CSE en comptent effectivement, et 70 % n’en ont ni localement, ni dans d’autres établissements.

Là où ils existent, ces représentants remplissent principalement des fonctions de remontée d’informations vers le CSE et la direction, notamment sur les conditions de travail. Dans 75 % des cas, ils bénéficient d’heures de délégation spécifiques. Mais leur déploiement reste marginal, souvent limité aux entreprises de 200 salariés et plus, ou à certains secteurs (transports, santé, industrie).

Pensé comme un garde-fou à la centralisation, le dispositif reste trop timide pour combler le vide laissé par la disparition des élus de terrain.

Une présence syndicale en retrait, y compris dans les grandes entreprises

Autre indicateur clé : la part d’établissements couverts par au moins un délégué syndical recule de 5 points, passant de 37 % à 32 % entre 2017 et 2023. Le recul est plus marqué dans les entreprises multisites, pourtant historiquement mieux dotées en représentation syndicale.

La part des établissements où les délégués syndicaux sont implantés uniquement au niveau de l’entreprise diminue fortement (de 30 % à 21 %). Ce repli est également visible dans la diversité syndicale : les établissements avec cinq organisations syndicales représentées ou plus passent de 7 % à 4 %.

Ce reflux syndical, symptomatique d’un essoufflement démocratique, s’inscrit dans un climat plus large de désengagement des salariés (difficulté à susciter des candidatures, complexification des mandats etc.). Dans certains secteurs, comme la finance, il s’accompagne de fortes transformations internes (digitalisation, restructurations) qui fragilisent le dialogue social.

Un fonctionnement des CSE jugé perfectible par les représentants du personnel

Malgré ces évolutions, les représentants du personnel ne rejettent pas en bloc le CSE. 73 % estiment qu’il permet un meilleur dialogue social, mais 33 % considèrent que les problèmes des salariés remontent plus difficilement qu’avant. La charge de travail s’est accrue pour une majorité d’élus.

L’unification des anciennes instances dans le CSE a eu pour effet d’élargir le champ de sujets à traiter : santé, sécurité, emploi, conditions de travail, activités sociales et culturelles etc. Cette globalisation du dialogue social, voulue plus stratégique, se heurte parfois à la lourdeur des sujets et à une perte d’efficacité. Un tiers des représentants jugent d’ailleurs les échanges moins efficaces.

La santé au travail, une mission affaiblie dans les entreprises moyennes

L’étude montre également un recul de la spécialisation en santé-sécurité dans les entreprises de 50 à 299 salariés. Alors que les CHSCT étaient obligatoires dès 50 salariés, la CSSCT ne l’est qu’à partir de 300. Résultat : seuls 66 % des établissements de taille moyenne en disposent en 2023, contre 79 % qui avaient un CHSCT en 2017.

Derrière la rationalisation, une vraie interrogation : la santé au travail reste-t-elle une priorité, ou devient-elle un sujet parmi d’autres dans les entreprises de taille intermédiaire ? Selon la Dares, rien ne garantit aujourd’hui qu’elle fasse toujours l’objet d’un traitement spécifique, en particulier en l’absence d’accord d’entreprise renforçant le rôle de la CSSCT.

Notez le : les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) sont une émanation du CSE. Chargées des questions liées à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, elles sont obligatoires dans les entreprises ou établissements d’au moins 300 salariés, mais peuvent être mises en place par accord en deçà de ce seuil. Les CSSCT reprennent en partie les missions de l’ancien CHSCT, supprimé en 2017.

CSE : simplification ou éloignement démocratique ?

Le bilan dressé par l’enquête est donc nuancé.

La création du CSE a permis une simplification organisationnelle, mais au prix d’une perte de proximité, d’un affaiblissement du maillage syndical et d’un recul de certaines protections collectives, notamment en santé au travail.

La représentation du personnel reste présente, mais plus éloignée, moins diversifiée, et parfois moins outillée pour agir efficacement. Le pari d’un dialogue plus fluide se heurte à une réalité plus contrastée, très dépendante des accords conclus localement, où simplification rime parfois avec effacement.

Enquête de la Dares (basée sur des données collectées en 2023), Comment évoluent l’implantation et l’organisation de la représentation des salariés depuis la création des comités sociaux et économiques (CSE) ?, publiée le 24 juillet 2025

Créez votre BDESE dès maintenant

Démarrez avec toutes les fonctionnalités premium dès à présent durant 30 jours ! Pas de carte de crédit nécessaire.

Autres actualités produit BDESE