Règlement intérieur du CSE : peut-il imposer à l’employeur le paiement d’indemnités de grand déplacement ?
Un élu du comité social et économique (CSE) peut être amené à se déplacer pour les besoins de son mandat. Il peut alors prétendre, sous conditions, à une indemnisation des frais exposés. Mais peut-il bénéficier des indemnités conventionnelles réservées aux salariés pour leurs déplacements professionnels ? Le CSE peut-il l’imposer à l’employeur via son règlement intérieur ?
Règlement intérieur du CSE : il ne peut imposer des obligations imprévues par la loi à l’employeur
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le comité économique et social (CSE), élabore un règlement intérieur ayant pour but de déterminer les modalités de son fonctionnement, et d’encadrer ses rapports avec les salariés et l’employeur.
Rappel : le règlement intérieur du CSE est adopté et modifié par le biais d’un vote à la majorité des membres présents en réunion plénière.
Le règlement intérieur doit obligatoirement contenir :
- les modalités selon lesquelles les comptes annuels sont arrêtés par le CSE ;
- les modalités selon lesquelles le CSE établit le rapport de gestion présentant des informations qualitatives sur ses activités et sur sa gestion financière ;
- lorsqu’une commission des marchés est créée, les modalités de fonctionnement de la commission, le nombre de ses membres, les modalités de leur désignation et la durée de leur mandat.
D’autres clauses peuvent être intégrées au règlement intérieur du CSE, en fonction des spécificités propres à chaque comité, sous réserve qu’elles ne soient pas prohibées.
En effet, il est interdit d’y intégrer des clauses contraires à l’ordre public (ex : critère d’ancienneté pour l’attribution d’ASC).
De surcroît, sauf accord de l’employeur, un règlement intérieur ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales (Code du travail, art L. 2315-24).
Notez le : l’accord donné par l’employeur vaut engagement unilatéral. Il pourra alors le dénoncer après en avoir informé le CSE, et dans un délai raisonnable.
Une difficulté peut survenir s’agissant de la nature d’une obligation contenue dans un règlement intérieur, à savoir si elle créée ou non une obligation additionnelle pour l’employeur. Illustration à propos d’indemnités conventionnelles de grand déplacement pour lesquelles la Cour de cassation a dû trancher.
Impossibilité pour le règlement intérieur du CSE d’aggraver les obligations de l’employeur : illustration avec l’indemnité de grand déplacement
L’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel ou le représentant syndical.
Ainsi, l’employeur doit prendre en charge les frais directement liés à l’exercice des missions des membres du CSE. Etant précisé que les frais pris en charge par l’employeur au titre d’un déplacement incluent ceux liés au transport lui-même, mais aussi les frais d’hébergement et de nourriture.
Notez le : l’employeur qui refuserait de les prendre en charge pourrait être condamné pour délit d’entrave.
Qu’en est-il des indemnités de grand déplacement prévues conventionnellement au profit des salariés ?
Dans une récente affaire, un CSE adopte un règlement intérieur dont une clause prévoit au profit de ses membres que « le temps de participation aux séances, les temps de déplacement et les temps de délégation sont réputés être du temps de travail. Dans le cadre de la non-discrimination, l’employeur versera aux élus les indemnités de grand déplacement dans les mêmes conditions de versement que l’ensemble des salariés (…) ce qui ne constituent en rien pour l’employeur une contrainte ou une charge non prévue par le législateur ».
Cette clause est dupliquée au bénéfice des membres de plusieurs commissions et aux représentants de proximité.
L’employeur, soutenant que ces clauses lui imposent des obligations ne résultant pas de dispositions légales, a demandé leur annulation devant le tribunal judiciaire.
La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel qui a retenu que :
- l’employeur prenait en charge les frais directement liés à l’exercice des missions des membres du comité social et économique, tels que les frais de déplacement, de nuitée et de restauration, en fonction des mesures fixées par accord collectif ;
- et que l’activité des membres du CSE et leurs déplacements ne répondaient pas aux conditions d’attribution prévues pour bénéficier des indemnités de grand déplacement.
La cour d’appel en a exactement déduit que les clauses litigieuses aggravaient les obligations légales et conventionnelles pesant sur l’employeur.
Cour de cassation, chambre sociale, 26 mars 2025, n° 23-16.219 (le règlement intérieur du CSE, qui prévoit que l’indemnité de grand déplacement prévue par la convention collective pour les salariés, bénéficie aux représentants du personnel dans le cadre de leurs missions, aggrave les obligations légales et conventionnelles pesant sur l’employeur)