Réforme des retraites : quel impact sur votre BDESE et dans vos relations avec les représentants du personnel ?
La réforme des retraites contient certaines mesures qui vont jouer sur votre BDESE ou touchent certaines informations mentionnées dans votre BDESE. Le sujet de l’emploi des seniors prend aussi de l’ampleur dans le cadre de la gestion des emplois et parcours professionnels (GEPP).
Quelles informations sur l’emploi des seniors dans la BDESE ?
Aujourd’hui il n’y a pas de rubrique dédiée à l’emploi des seniors ni d’indicateurs spécifiques à leur situation. Les consultations annuelles sur la politique sociale et sur les orientations stratégiques ne les visent également pas spécifiquement même si en pratique le sujet doit quand même être abordé plus ou moins directement dans le cadre de ces consultations (au titre de la pyramide des âges, de l’évolution de carrière, etc.).
En l’absence d’accord, de nombreux indicateurs de la BDESE doivent en revanche avoir une dimension âge par exemple pour les entreprises d’au moins 300 salariés :
- l’évolution des effectifs ;
- l’âge moyen par catégorie professionnelle ;
- l’âge moyen par niveau ou coefficient hiérarchique ;
- la rémunération moyenne ou médiane mensuelle par tranche d’âge.
Les mesures de la réforme des retraites qui touchent des données figurant dans la BDESE
La réforme des retraites prévoit plusieurs changements liés au compte professionnel de prévention (C2P) en élargissant son utilisation et en modifiant les règles d’obtention des points (voir notre article sur le site des Editions Tissot « Compte professionnel de prévention : les nouveautés pour développer son utilisation »).
Or la BDESE contient des informations sur le sujet. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en l’absence d’accord il est ainsi prévu que la BDESE contienne des données sur l’exposition aux risques et aux facteurs de pénibilité dans la rubrique investissement social.
La pénibilité, dont le caractère répétitif des tâches figure aussi dans la rubrique égalité professionnelle dans les données générales par sexe.
Autre sujet abordé par la réforme des retraites et qui figure aussi dans la BDESE : le suivi médical. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, la BDESE contient les informations suivantes :
- nombre de visites d’information et de prévention et nombre d’examens médicaux (distinguer les travailleurs en suivi de droit commun et ceux en suivi individuel renforcé) ;
- nombre d’examens complémentaires (distinguer les travailleurs soumis à surveillance et les autres.
Or la réforme des retraites crée une nouvelle visite entre le 60e et 61e anniversaire du salarié pour ceux ayant exercé ou exerçant des métiers particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels. Elle tiendra lieu de visite médicale au titre du suivi individuel du salarié. A cette occasion, le professionnel de santé pourra informer le salarié de la possibilité d’être reconnu inapte et transmettre un avis favorable au médecin-conseil.
Le nombre de visites ainsi effectuées sera à mentionner dans la BDESE.
Notez-le : Un décret d’application est nécessaire. Il doit notamment venir fixer la durée minimale d’exposition pour qu’un salarié soit concerné par cette visite.
Dernière mesure à signaler : le calcul du taux de cotisation accident du travail-maladie professionnelle pourrait permettre la mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles sous certaines conditions.
Or la BDESE dans les grandes entreprises contient aussi un indicateur sur le taux et le montant de la cotisation Sécurité sociale d’accidents de travail.
Le cas de l’index senior
La réforme des retraites intègre bien l’index senior.
Dans les grandes lignes, l’index senior concerne uniquement les entreprises d’au moins 300 salariés. Ces dernières vont ainsi devoir publier chaque année des indicateurs relatifs à l’emploi des seniors en distinguant leur sexe ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise.
Cette obligation s’appliquera dès le 1er novembre 2023 pour les entreprises d’au moins 1000 salariés. Au 1er juillet 2024 pour les 300 à moins de 1000 salariés.
Un décret doit toutefois venir fixer la liste des indicateurs et leur méthode de calcul, une convention ou un accord de branche étendu pouvant se substituer à ce décret.
Attention, une pénalité est encourue pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu et ne publieraient pas les indicateurs seniors. Il n’y a pour le moment pas de sanction en cas de mauvais résultat. Par contre une obligation supplémentaire va s’appliquer aux entreprises qui constatent, pendant 3 exercices consécutifs de publication des indicateurs, la détérioration de ces indicateurs. Il faudra ainsi engager une négociation portant sur les mesures d’amélioration de l’emploi des seniors dans un délai de 6 mois et à défaut d’accord établir un plan d’action. Par exception, il ne sera pas nécessaire d’être couvert par un tel accord ou plan d’action si les indicateurs atteignent une valeur maximale ou minimale démontrant que l’objectif d’amélioration de l’embauche et maintien en activité des seniors est atteint.
Les modalités de publication de l’index senior (sur le site du ministère du Travail ? Sur celui de l’entreprise ? Via la BDESE pour les élus ?) n’ont pour le moment pas été dévoilées il faudra attendre le décret.
L’idée étant d’entourer l’index senior du maximum de publicité, on peut imaginer que son déploiement se fera un peu à l’image de ce qui existe pour l’index égalité femmes-hommes à savoir une transmission des résultats à l’administration (au plus tard le 1er mars de chaque année) mais aussi au CSE via la BDESE.
La GEPP
L’emploi des seniors, en prenant en compte les indicateurs de l’index senior, devient par ailleurs un sujet obligatoire de la gestion des emplois et parcours professionnels (GEPP).
Rappel : Dans les entreprises et les groupes d’entreprises d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes d’entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d’au moins 150 salariés en France l’employeur engage, au moins une fois tous les quatre ans, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
Attention, la plupart de ces mesures doivent entrer en vigueur à partir du 1er septembre 2023 mais des décrets sont attendus. Et il faudra bien sûr que la loi passe l’obstacle du Conseil constitutionnel et soit publiée au Journal officiel pour pouvoir s’appliquer. Un projet de référendum d’initiative partagé (RIP) a également été transmis au Conseil constitutionnel.
Anne-Lise Castell
Loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023, définitivement adoptée le 20 mars 2023