Rapport annuel de la Cour de cassation : les suggestions de réformes qui intéressent les représentants du personnel
La Cour de cassation a publié son rapport annuel de l’année 2024. A cette occasion, elle réitère deux propositions de réformes suggérées, l’année dernière, en matière de représentation du personnel. L’une d’elle vient d’ailleurs d’être suivie d’effet avec la publication d’un nouveau décret.
La procédure applicable en matière de contestation des désignations des représentants de proximité
La Cour de cassation suggère, une nouvelle fois, de codifier la procédure applicable en cas de contestation de la désignation des représentants de proximité.
Pour rappel, les représentants de proximité interviennent dans les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un CSE. Leur mise en place est facultative et suppose un accord entre l’employeur et les organisations syndicales. Leur rôle dépend de l’accord qui les institue.
Jusqu’alors, aucun texte n’abordait la question de la compétence et de la procédure applicable en matière de contestation des désignations des représentants de proximité. La Cour de cassation était venue pallier cette lacune législative en précisant, dans un arrêt du 1er février 2023, que les contestations relatives aux conditions de désignation des représentants de proximité :
- devaient être formées devant le tribunal judiciaire statuant sur requête, les parties étant dispensées de constituer avocat (soit une procédure différente de celle des membres du CSE) ;
- relevaient de la compétence du tribunal judiciaire du lieu où la désignation est destinée à prendre effet, peu important les modalités de cette désignation définies par accord.
La Direction des affaires civiles et du sceau (DACS), en accord avec la position de la chambre sociale et la Direction générale du travail (DGT), proposait ainsi d’expliciter cette procédure dans le Code du travail, suggérant que les contestations soient soumises aux mêmes règles que celles concernant les autres représentants du CSE.
C’est finalement chose faite ! En effet, un décret du 8 juillet 2025 est venu mettre fin à ce vide juridique en ajoutant un nouvel article R. 2313-7 dans le Code du travail.
Il prévoit qu’en cas de contestation relative à la désignation d’un représentant de proximité, c’est le tribunal judiciaire qui est compétent.
Ce dernier doit être saisi par requête, dans les 15 jours suivants la désignation du représentant.
Le tribunal judiciaire dispose alors d’un délai de 10 jours pour statuer :
- sans frais ;
- sans formalisme ;
- après en avoir averti les parties au moins 3 jours à l’avance.
La décision doit ensuite être notifiée dans les 3 jours par aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception. Etant précisé que cette dernière peut faire l’objet d’un recours devant la Cour de cassation dans les 10 jours.
Ce décret est entré en vigueur le 1er septembre 2025.
La procédure de contestation par l’employeur du coût définitif de l’expertise comptable réalisée à l’initiative du CSE
Comme l’année dernière, la Cour de cassation renouvelle une suggestion de réforme en matière de procédure de contestation, par l’employeur, du coût définitif des expertises comptables engagées à l’initiative du comité social et économique (CSE).
Pour rappel, le CSE peut recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité :
- dans le cadre de ses consultations récurrentes ;
- dans un cadre plus ponctuel d’exercice du droit d’alerte économique, de licenciement collectif pour motif économique, ou encore lorsqu’un risque grave, identifié et actuel est constaté.
En l’état actuel du droit, lorsque des litiges s’élèvent autour de cette expertise, l’employeur a 10 jours pour saisir la justice. La procédure est alors accélérée, c’est-à-dire traitée dans un court laps de temps, par le président du tribunal judiciaire directement. En effet, le juge statue dans les 10 jours suivant sa saisine.
Relèvent de cette procédure :
- la contestation de la nécessité de l’expertise ;
- la contestation du choix de l’expert ;
- la contestation du coût prévisionnel, de l’étendue ou la durée de l’expertise.
Seule la contestation du coût définitif de l’expertise par l’employeur échappe à cette procédure.
Ce type de contestation est donc soumis à la procédure écrite ordinaire devant le tribunal judiciaire, une procédure « inadaptée à ce type de contestation qui requiert célérité », selon la Cour de cassation.
Elle suggère, par conséquent, de modifier la loi pour que l’ensemble des contentieux de la contestation par l’employeur des expertises ordonnées par le CSE relève de la compétence du président du tribunal judiciaire et soit soumis à la procédure accélérée au fond.
Cette proposition d’uniformisation du traitement des litiges en matière d’expertise est soutenue par la Direction générale du travail (DGT) et par la Direction des affaires civiles et du sceau (DACS). Elle avait déjà été formulée au Rapport annuel 2023 mais n’a pas été suivie d’effet.
Notez le : une autre suggestion de réforme non suivie, antérieure à 2023, est à nouveau soutenue dans ce rapport de façon laconique. Il s’agit d’une proposition soutenue par la Cour de cassation depuis 2014, consistant à créer une sanction pécuniaire, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, en cas de licenciement sans autorisation administrative d’un salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration.
Rapport annuel 2024 de la Cour de cassation, publié le 15 juillet 2025