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La liberté d’expression bénéficie à chaque salarié, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci. Pour autant cette liberté n’est pas absolue. Aussi, face à des abus en la matière, le mandat détenu par un salarié ne pourra pas toujours servir de bouclier. Illustration avec le cas d’un salarié protégé ayant tenu des propos racistes et homophobes.

Liberté d’expression d’un salarié : l’abus peut toujours être caractérisé

Les représentants du personnel, comme tous les salariés, jouissent dans l’entreprise, comme en dehors de celle-ci, de leur liberté d’expression.

Bon à savoir : des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées à la liberté d’expression du salarié (exemple : obligation de neutralité au sein du règlement intérieur).

Toutefois, un usage abusif de la liberté d’expression reste sanctionnable. Par usage abusif, la jurisprudence entend des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

De tels griefs reprochés au salarié ne sont pas sans risque. En effet, un licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale (liberté d’expression, liberté syndicale, liberté religieuse) encourt la nullité.

Pour caractériser un abus de la liberté d’expression, les juges s’intéresseront notamment à la teneur des propos, à leur diffusion ou leur publicité, au contexte dans lequel les propos ont été tenus ou encore aux fonctions exercées par leur auteur.

Les élus ont une liberté d’expression appréciée largement (ex : élue critiquant la loi Travail pendant un temps de pause, exprimer des désaccords avec la politique de rémunération de l’entreprise etc.)

Lorsque l’abus est établi, le salarié commet une faute pouvant justifier son licenciement.

Liberté d’expression d’un représentant du personnel : la protection du mandat est inopérante en cas d’abus

Le salarié investi d’un mandat représentatif bénéficie d’un statut protecteur. Son licenciement est alors conditionné à l’autorisation préalable de l’Inspection du travail qui doit vérifier que le licenciement envisagé n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives.

A ce titre, peut-il se prévaloir de son mandat pour se soustraire aux conséquences disciplinaires qu’emporteraient un abus de la liberté d’expression ?

Le Conseil d’Etat a récemment été saisi de la question.

En l’espèce, un représentant syndical avait adopté un comportement humiliant, insultant et menaçant à l’encontre de ses collègues et avait tenu des propos :

  • à caractère raciste et homophobe ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail ;
  • irrespectueux à l’encontre de la direction.

Compte tenu de la gravité des faits, l’employeur a sollicité l’autorisation administrative de licencier.

L’Inspection du travail a opposé un refus aux motifs :

  • que certains faits reprochés à l’intéressé étaient prescrits ;
  • que le climat de dégradation des conditions de travail n’était pas imputable à l’intéressé ;
  • que les faits établis et non prescrits ne revêtent pas en eux-mêmes un caractère insultant ou menaçant ;
  • que les propos tenus à l’encontre de la direction se rattachaient à l’exécution normale de son mandat de représentant syndical.

La ministre du Travail a balayé d’un revers les arguments de l’administration pour finalement autoriser le licenciement. Le Conseil d’Etat valide la motivation de la décision rendue par la ministre qui a valablement conclu que l’ensemble de ces faits revêtaient le caractère d’une faute d’une gravité suffisante justifiant le licenciement.

Le mandat détenu par un salarié protégé ne saurait l’immuniser face aux abus qu’il aurait commis dans l’exercice de sa liberté d’expression.

Conseil d’Etat, 4e et 1re chambres réunies, 7 mars 2025, n° 492105 (un abus caractérisé dans la liberté d’expression peut justifier le licenciement d’un salarié protégé)

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