Harcèlement moral : la rupture conventionnelle est-elle possible avec un salarié protégé ?
Sous réserve que le consentement du salarié ne soit pas vicié, un contexte de harcèlement moral n’empêche pas la conclusion d’une rupture conventionnelle. Mais cette possibilité s’étend-elle aux salariés protégés ?
Rupture conventionnelle : elle peut être conclue avec un salarié protégé
La rupture conventionnelle est un mode de rupture amiable du contrat de travail du travail.
Notez-le : une rupture conventionnelle ne peut pas être conclue avec un apprenti ou un salarié en CDD.
Elle impose donc un accord commun entre le salarié et l’employeur, qui soit exempt de vice du consentement. A défaut, la convention de rupture sera annulée.
La rupture conventionnelle est soumise à l’homologation de l’Inspection du travail qui doit notamment vérifier qu’elle n’a été imposée à aucune des parties.
Le contrôle de l’administration, s’agissant des salariés protégés, est plus poussé. Une autorisation de l’Inspection du travail est alors indispensable.
En effet, les salariés investis de fonctions représentatives jouissent d’un statut particulier protecteur.
Ce faisant, pour autoriser la rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé, l’Inspection du travail doit notamment vérifier qu’aucune circonstance en rapport avec le mandat du salarié, ou avec son appartenance syndicale, n’a pu vicier son consentement.
L’administration doit rejeter la demande d’autorisation lorsqu’elle constate que le consentement du salarié a été extorqué par des mesures ou des pressions en lien avec ses fonctions représentatives ou syndicales.
Notez-le : le CSE doit être consulté avant de solliciter l’autorisation de la rupture conventionnelle de certains salariés protégés (ex : élus du CSE, représentants de proximité).
Mais qu’en est-il lorsqu’une rupture conventionnelle a été conclue dans un contexte de harcèlement moral ?
Rupture conventionnelle : elle est possible même dans un contexte de harcèlement moral
Dès lors que le salarié a exprimé un consentement libre et éclairé, la rupture sera valide, et ce même lorsqu’elle survient dans un contexte de harcèlement moral.
En effet, la Cour de cassation retient, de longue date, que seul le vice du consentement permet, dans un contexte de conflit ou de harcèlement, de remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle.
Pour obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle, le salarié doit donc démontrer qu’il n’avait d’autre choix que d’accepter la rupture conventionnelle.
Le Conseil d’Etat adopte la même position à l’égard des salariés protégés.
Il affirme que des faits de harcèlement moral ne font pas obstacle, par eux-mêmes, à la validité d’une rupture conventionnelle.
La Haute juridiction administrative vient une nouvelle fois de le confirmer dans une décision du 16 mai 2025.
En l’espèce, une élue titulaire du CSE conclut une rupture conventionnelle avec son employeur dans un contexte de harcèlement moral. Bien que validée par l’Inspection du travail, la salariée sollicite sa nullité, estimant que son consentement a été vicié.
Le tribunal administratif juge que le consentement de la salariée, s’estimant victime de harcèlement, a été vicié, la décision d’autorisation est entachée d’illégalité.
Le Conseil d’Etat annule le jugement et rappelle que des faits de harcèlement moral ne font pas obstacle à la rupture conventionnelle. En l’espèce l’employeur n’a pas fait pression sur la salariée pour qu’elle accepte la rupture, et deux entretiens ont précédé la signature de la convention de rupture espacés d’une semaine. Ainsi, aucune circonstance n’a été de nature à vicier le consentement de l’intéressée.
Conseil d’Etat, 4e – 1re chambres réunies, 16 mai 2025, n° 493143 (l’existence de faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale n’est, par elle-même, pas de nature à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient vicié le consentement du salarié)