Évolution de carrière des représentants du personnel : l’absence d’évaluation est-elle discriminatoire ?
Un salarié investi syndicalement ne peut être évalué sur une prestation de travail qu’il n’a pas réalisée. Mais comment s’assurer qu’une telle absence d’évaluation est étrangère à toute discrimination ?
Activité syndicale : l’absence d’évaluation et d’évolution peut constituer une discrimination
Les représentants du personnel peuvent être exposés à des pratiques discriminatoires : absence de promotion, stagnation de carrière, mise à l’écart ou sanctions injustifiées.
La loi prohibe toute forme de discrimination basée sur l’appartenance syndicale afin de garantir la liberté syndicale.
L’article L. 2141-5 du Code du travail rappelle le principe de neutralité : l’exercice d’une activité syndicale ne peut justifier ni une sanction, ni une mesure défavorable, ni influencer l’évaluation ou l’évolution de carrière.
En application de ces dispositions, il est interdit de prendre en considération l’exercice d’une activité syndicale dans l’évaluation du salarié sauf accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser.
Ainsi, l’évaluation ne peut se fonder que sur des données d’ordre professionnel telles que la réalisation des objectifs correspondant au poste occupé.
Et parallèlement, il y a discrimination si le salarié exerçant des mandats ne bénéficie pas d’entretiens annuels d’évaluation affectant alors ses chances de promotion.
Rappel : l’entretien d’évaluation vise à apprécier les compétences du salarié. Ses modalités d’organisation sont définies par accord collectif (ou à défaut par l’employeur). Cet entretien est en principe réalisé annuellement et donne lieu à l’établissement d’un compte-rendu. Il peut être utilisé pour apprécier l’opportunité d’une augmentation ou d’une promotion par exemple.
Ainsi, comme ces deux principes s’articulent-ils, notamment lorsque le salarié concerné exerce son activité syndicale sur l’entièreté de son temps de travail ?
Activité syndicale : l’absence d’évaluation peut être légitime
L’article L. 1134-1 du Code du travail établit un régime probatoire : il appartient au salarié de présenter des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, à charge pour l’employeur de démontrer que sa décision repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Pour justifier que l’absence d’évaluation d’un salarié est étrangère à toute discrimination, l’employeur doit pouvoir démontrer que la non-évaluation d’un salarié investi d’un mandat représentatif, n’a entraîné aucun préjudice dans sa carrière et qu’elle repose sur une base factuelle.
La Cour de cassation a récemment dû se prononcer sur le cas d’un élu exerçant ses fonctions syndicales durant l’intégralité de son temps de travail. Les mentions « non évaluable » étaient portées dans ses entretiens annuels entre 2017 et 2020.
Le salarié considérait que son engagement syndical avait ralenti son évolution professionnelle.
Il sollicitait également des dommages-intérêts pour discrimination arguant du fait que ces mentions constituaient une prise en compte illicite de son engagement syndical dans l’évaluation professionnelle, en l’absence d’un accord collectif permettant cette appréciation.
La Cour de cassation rejette l’argumentation du salarié, considérant :
- d’une part, que la comparaison avec d’autres salariés démontrait que le requérant n’avait pas subi de frein à sa carrière : il était mieux rémunéré que ses collègues au même poste, et ce malgré une ancienneté moindre ;
- d’autre part, que la mention « non évaluable » reflétait un constat objectif : l’absence de prestation de travail empêchait une évaluation classique.
Notez-le : cet arrêt s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle équilibrée : il ne permet pas à l’employeur de contourner ses obligations au prétexte d’un mandat syndical, mais admet la neutralité d’une non-évaluation dès lors qu’elle est justifiée, objective et rigoureusement formulée. L’absence d’évaluation pour cause de mandat est licite si elle reflète la réalité de l’activité du salarié.
Cour de cassation, chambre sociale, 4 juin 2025, 24-11.260 (les mentions selon lesquelles le salarié, représentant du personnel n’est « pas évaluable », participent seulement du constat neutre qu’une telle appréciation n’est pas possible en ce qu’elle porte sur une prestation de travail qui n’a pas été réalisée).