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L’action de groupe instaurée par la loi de 2016 permettait à un syndicat d’agir en justice pour faire cesser une discrimination collective. Elle ne s’appliquait toutefois qu’aux faits postérieurs à son entrée en vigueur. Des faits antérieurs pouvaient-ils être pris en compte s’ils continuaient de produire leurs effets après 2016 ? La Cour de cassation vient de se prononcer sur cette question.

Action de groupe : quel encadrement légal ?

L’action de groupe en matière de discrimination a été instaurée en 2016 par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, article 87).

Celle-ci permettait à une organisation syndicale représentative ou à certaines associations d’agir devant le juge civil lorsqu’elles estimaient que plusieurs salariés ou candidats à l’emploi étaient victimes d’une discrimination fondée sur un même motif.

Cette action visait à obtenir la cessation du manquement et, le cas échéant, la réparation des préjudices subis.

Toutefois, la loi restreignait l’application de ce dispositif en prévoyant qu’une action de groupe ne pouvait être engagée que sur la base de faits survenus après le 20 novembre 2016, date de son entrée en vigueur.

Attention : ces dispositions, issues de la loi du 18 novembre 2016, ont été abrogées par la loi DDADUE du 30 avril 2025, qui crée un cadre unifié de l’action de groupe en droit du travail.

L’action de groupe inclut désormais tous les faits constitutifs d’une discrimination continue, sans limitation liée à la date de survenance ou d’entrée en vigueur de la loi (voir notre article : « Action de groupe et consultation du CSE : les nouveautés instituées par la loi DDADUE 2025 »).

Ces principes restent néanmoins applicables aux actions engagées avant l’entrée en vigueur de la loi le 3 mai 2025, comme c’est le cas dans cette affaire.

Discrimination collective : la Cour encadre les conditions temporelles de l’action de groupe

Dans cette affaire, une fédération avait engagé en 2018 une action de groupe contre une société pour discrimination syndicale collective envers des représentants du personnel. Selon elle, malgré les accords internes et les actions prud’homales individuelles, ces salariés subissaient des écarts injustifiés de rémunération et de carrière.

En appel, les juges ont rejeté l’action de groupe, estimant que seuls les faits postérieurs au 20 novembre 2016 pouvaient être examinés, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La Cour de cassation a toutefois cassé la décision sur ce point. Elle énonce que, dans le cadre d’une discrimination collective s’étendant sur la durée de la carrière, le juge doit prendre en compte les faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi de 2016, dès lors qu’ils continuent de produire leurs effets après cette date.

Autrement dit, pour la Haute juridiction, la date du fait générateur ne s’apprécie pas uniquement au moment où la discrimination a commencé, mais aussi au regard de sa persistance dans le temps.

Notez le : selon la loi de 2016, seuls les préjudices survenus après la demande préalable pouvaient être indemnisés dans le cadre de l’action de groupe. Avec la réforme de 2025, cette restriction disparaît : l’action de groupe peut désormais porter sur l’ensemble des faits de discrimination continue, y compris ceux survenus avant la demande.

Cette décision clarifie le régime temporel de l’action de groupe alors applicable à l’époque.

La loi DDADUE du 30 avril 2025 a instauré de nouvelles règles, permettant d’inclure tous les faits continus de discrimination, même antérieurs à la demande.

Pour résumer, dans le cadre de la loi de 2016 :

  • les faits antérieurs à la loi pouvaient être pris en compte uniquement pour établir la continuité de la discrimination si leurs effets persistaient après le 19 novembre 2016 ;
  • seuls les préjudices postérieurs à la demande préalable étaient indemnisables dans le cadre de l’action de groupe, les préjudices antérieurs pouvant être réparés dans le cadre d’une procédure individuelle.

Depuis la loi du 30 avril 2025 :

  • tous les faits de discrimination continue peuvent être pris en compte, y compris ceux survenus avant l’entrée en vigueur de la loi ;
  • les syndicats représentatifs et certaines associations spécialisées peuvent agir pour faire cesser la discrimination et obtenir réparation pour l’ensemble des préjudices.

Cour de cassation, chambre sociale, 5 novembre 2025, n° 24-15.269 (l’action de groupe en matière de discrimination n’est pas prescrite lorsque le salarié fait valoir que la discrimination s’est poursuivie tout au long de sa carrière, et qu’il se fonde sur des faits qui continuent de produire leurs effets après le 20 novembre 2016)

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