BDESE : quels droits la loi donne-t-elle réellement aux délégués syndicaux ?
La création de la BDESE a été le corollaire de la mise en place de la consultation récurrente du CSE sur les orientations stratégiques. Toutefois, la loi a progressivement étendu son usage, en prévoyant notamment son utilisation par d’autres acteurs du dialogue social, tels que les délégués syndicaux. Dès lors, le lien réel entre l’employeur, les délégués syndicaux et la BDESE mérite d’être développé.
BDESE et délégués syndicaux : un cadre législatif incomplet
Quels sont les droits du délégué syndical à l’égard de la BDESE mise à disposition par l’employeur ? Le Code du travail nous indique que « la base de données est accessible en permanence aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique ainsi qu’aux membres de la délégation du personnel du comité social et économique central d’entreprise, et aux délégués syndicaux » (art. L. 2312-36).
Il précise également que les délégués syndicaux sont tenus d’une « obligation de discrétion à l’égard des informations contenues dans la base de données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur ».
Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, d’évoquer les obligations réelles des employeurs à l’égard des délégués syndicaux en matière de BDESE. Voir notamment notre article : Négociations annuelles obligatoires (NAO) : comment utiliser la BDESE ?
Les délégués syndicaux doivent avoir accès à la BDESE. Cela semble acquis, faute d’accord d’entreprise dérogeant à l’article L. 2312-36 du Code du travail. Mais à quoi cet accès correspond-il réellement ? En effet, aucun texte ne vient préciser les informations relatives à la préparation des négociations récurrentes obligatoires qui devraient figurer dans la BDESE.
Doit-on leur accorder un droit d’accès sur l’ensemble des informations figurant dans la base ? Peut-on limiter l’accès à certaines informations en lien avec les futures négociations récurrentes obligatoires ? Ni texte de loi, ni jurisprudence établie n’existent à ce jour.
À notre sens, il convient ici d’adopter un raisonnement plus pratique que juridique. Le ou les DS disposent-ils d’un mandat d’élu ? Si tel est le cas, aucun long débat n’est nécessaire : le salarié aura accès aux informations avec sa casquette d’élu, qu’il pourra ensuite mobiliser avec sa casquette de DS. La seule question à se poser dans cette situation est l’éventuelle limitation d’accès des élus non DS aux données fournies au titre de la préparation des négociations récurrentes.
Si par contre, le ou les DS ne disposent pas d’un mandat d’élu, leur désignation dans l’entreprise a de grandes chances statistiques de coïncider avec la présence d’au moins un élu du personnel appartenant à leur syndicat. Et malgré tous les impératifs de confidentialité et de discrétion qui menaceront cet élu, il est fort à parier que les données hébergées dans la base seront partagées en cas de besoin avec le DS puis entre les DS.
BDESE et délégués syndicaux : la voie conventionnelle préconisée
On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! L’expression consacrée trouve un parfait terrain de jeu avec la problématique de la place donnée aux DS face à la BDESE.
En effet, si la loi demeure imprécise et peut donner lieu à diverses interprétations, elle autorise d’adapter par accord d’entreprise les dispositions propres notamment à l’accès, au contenu et aux mises à jour de la BDESE.
Or, cette négociation est réservée aux délégués syndicaux, s’ils existent dans l’entreprise. Pour être valable juridiquement, l’accord doit être conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.
Il apparaît opportun pour les DS d’engager le débat avec l’employeur sur la mobilisation de la BDESE au titre du déroulement des négociations obligatoires récurrentes, s’ils jugent l’usage actuel de la base trop léger. L’accord conclu sera l’occasion de préciser :
- les données attendues par les délégations syndicales afin de préparer au mieux les futures négociations ;
- les délais à respecter par l’employeur afin de mettre à jour les informations avant l’ouverture des négociations.
Côté employeur, négocier sur le contenu de la base peut permettre d’éviter certains contentieux sur le respect de l’obligation de communication d’informations préalable à l’ouverture des négociations. Notez enfin que l’article L. 2312-21 du Code du travail permet de négocier la non-utilisation de la BDESE comme support de transmission des informations fournies aux DS, à condition de prévoir l’usage d’un autre support (courrier électronique, espace numérique partagé, papier, etc.).