BDESE : attention aux commentaires réalisés par intelligence artificielle !
Les progrès technologiques n’épargnent pas le domaine du droit du travail, y compris la BDESE, outil juridique mais avant tout base de données. L’intégration directe des données à partir des DSN, ou encore leur présentation automatisée, sont des acquis dans de nombreuses solutions de BDESE. Peut-on aller plus loin avec l’intelligence artificielle ?
BDESE et intelligence artificielle : la partie « données »
Avec l’intelligence artificielle et l’exploitation des données des DSN, les collaborateurs RH n’auront plus qu’à appuyer sur un bouton pour que la BDESE se remplisse toute seule !
Il s’agit d’une vérité partielle : les données réelles pour les années antérieures et les mois en cours sont bien récupérables via la DSN. Attention, il s’agit uniquement des données sociales, les données financières et environnementales notamment ne seront pas concernées.
Dans les plus grandes entreprises, il serait dès maintenant envisageable de créer un outil interne d’intelligence artificielle capable de récupérer les différentes informations sociales, financières, comptables ou environnementales dispersées sur les réseaux informatiques de l’entreprise. Et d’extraire, combiner, synthétiser ces données pour permettre ensuite le remplissage de nombreuses rubriques de la base, allant au-delà des rubriques s’alimentant par les DSN.
Quid des données à fournir pour les trois années à venir ? Oui, une solution d’intelligence artificielle pourrait fournir des données prospectives, en se fondant sur les données propres à l’entreprise pour les années précédentes. En perfectionnant la solution, on pourrait même à l’avenir envisager de croiser ces données avec celles d’autres entreprises du secteur et de facteurs extérieurs permettant une analyse plus fine.
Pas question toutefois de conserver ces données sans retraitement, car les tendances fournies par l’intelligence artificielle seront parfois facilement biaisées. Exemple simple voire simpliste : une entreprise a vu son effectif grossir de façon exponentielle suite à des acquisitions. Mais si le programme d’acquisition se termine, la croissance des années précédentes ne saurait servir de référence fiable pour envisager l’évolution de l’effectif sur les années suivantes.
BDESE et intelligence artificielle : la partie « commentaires »
Les données brutes doivent, en principe, être explicitées par l’employeur dans le cadre des consultations récurrentes obligatoires du comité. Certains envisagent voire proposent déjà des commentaires rédigés par une solution d’intelligence artificielle. Voilà une belle promesse sur le papier.
Une démonstration récente d’une solution dédiée réalisant des commentaires des données de la BDESE avec l’intelligence artificielle a abouti à la réponse suivante à partir de chiffres montrant une hausse importante de l’embauche de cadres : « Les causes de ces variations pourraient être une expansion de l’entreprise, l’acquisition de nouveaux projets nécessitant plus de personnel, ou une stratégie de croissance agressive de l’entreprise ». Quel intérêt pour les élus d’une telle réponse totalement floue ?
En allant plus loin, comment l’intelligence artificielle peut-elle fournir, à partir des données financières ou économiques, les orientations stratégiques de l’entreprise ? Cela ne relève-t-il pas justement de la réflexion du comité de direction, de ses choix propres, de ses idées originales dictant sa vision ?
Et que penser à l’avenir de commentaires réalisés par une intelligence artificielle à partir de données prospectives là aussi alimentées par de l’intelligence artificielle ? Ces commentaires ont-ils une quelconque valeur informative ?
Remplir la base est bien une exigence légale. Mais la remplir de cette manière peut-il être considérée comme valable ? Ne peut-on pas y voir un délit d’entrave à l’information ? Ce sont les juges qui pourront trancher à l’avenir. Une chose est sûre : l’intelligence artificielle soulève en matière de BDESE beaucoup de questions et encore trop peu de réponses.
Pour aller plus loin sur le sujet de l’IA en entreprise et de ses enjeux juridiques, nous vous invitons à écouter l’épisode dédié du podcast “Sur un air de RH”, dans lequel l’avocate Marie Municchi explique comment déployer l’IA en toute conformité.